Histoire de Thomas

22 Mar, 2017 | Actualités

Dans la léproserie de la Dibamba au Cameroun près de Douala, il y avait 400 malades lépreux. Thomas qui était déjà amputé d’une jambe et attendait l’amputation de l’autre parce qu’il avait un pied pourri par la lèpre, n’avait jamais travaillé et il ne lui restait plus que deux doigts à chaque main. Un jour, il vient me demander : «  Frère Raymond ! Donne-moi une cigarette ».  Je lui ai dit : «  Mon ami Thomas, tu sais que je ne fume pas mais si tu veux une cigarette, je t’aiderai à en trouver des paquets. Viens avec moi à l’atelier». Nous prenons un bois de rouge de padouque. On le fixe sur un établi avec des serres joints.
« Essaye de le tailler. Prends ton ciseau à bois de la main gauche et un morceau de bois de la main droite. Tu taperas sur le ciseau à bois pour sortir quelques copeaux ».
Je l’ai aidé pendant quelques minutes parce qu’il perdait ses outils mais quand j’ai vu que cela marchait bien je l’ai laissé. J’ai été appelé pendant une heure  par d’autres lépreux. Au bout d’une heure je n’entendais plus rien à l’atelier. Je me suis dit : «  Allons regarder  ce que fait mon ami Thomas. Je l’ai trouvé assis sur un tas de bois attendant l’heure de midi. « Tu sais Thomas lui ai-je dit, c’est bientôt midi. Si tu veux tu pourras continuer à travailler pour avoir ta cigarette ». C’est ce qu’il a fait après le repas. Il a commencé à creuser une pirogue. C’était très beau. Évidemment ce n’était qu’un début.
Le jeudi il l’avait déjà bien ébauchée mais elle était encore toute équarrie.
Comme on était pauvre il n’y avait pas de papier de verre. Il est allé chercher un débris de verre. La veille de Noël, il avait cassé une bouteille sur la tête de Bilibi.
Il a trouvé tout ce qu’il fallait. Il a commencé de gratter la pirogue, boucher les trous avec de la sculpture de bois, de la colle. Le samedi,  il est venu m’apporter la pirogue. Je lui ai dit : « Ce n’est pas une pirogue que tu m’apportes c’est le prix de ta libération. Tu es devenu un homme capable de gagner ta vie par ton travail.
Dans ta belle pirogue un jour, je mettrai Jésus pour l’adorer et je penserai toujours à toi ainsi que mes amis. Quand Pierre viendra  à la léproserie,  il sera en admiration devant ce que tu viens de faire ». Effectivement, maintenant dans chacun de nos oratoires on a une pirogue de Thomas dans laquelle repose Jésus hostie.
Il est donc parti pendant quelques semaines. Au village, il a dit à ses amis qui avaient des jambes : « Allez chercher du bois rouge dans la forêt. Apportez-le. Ceux qui ont des mains intactes, je vais vous apprendre à tailler ce bois pour en faire des pirogues. Il était devenu entrepreneur. Un mois après,  il arrivait avec un de ses amis qui le précédait portant sur sa tête un sac de pirogues Arrivé près de moi il a étalé ses pirogues. Puis il a voulu que je les touche chacune l’une après l’autre pour encore donner plus d’importance à son travail.
Je l’ai fait volontiers et je lui ai dit : « Thomas, tu vas pouvoir t’acheter des tonnes de cigarettes. »
Je lui ai payé ses pirogues mais il avait une autre idée en tête . Il est parti au village pour doter une fille et se marier avec elle. Quand il est revenu quelques semaine plus tard avec une jeune fille au bras il avait avec lui sa femme pour le mariage.
« Thomas, tu la veux encore ta cigarette ? »
« Non, j’ai trouvé le plus beau trésor de ma vie,
Jeanine avec laquelle je vais passer ma vie ».
Je lui ai opéré la deuxième jambe. Il a retrouvé la santé de l’âme et du corps. Ce n’était plus un homme assisté mais un homme libre.
Il nous dit : «  En même temps, j’ai pu libérer quelques uns de mes copains en leur apprenant à travailler pour faire comme moi. Je vivais la béatitude la pauvreté que le frère m’avait appris dans l’évangile. J’étais sur la route du royaume de Dieu avec ma femme.
Je remercie le Seigneur de m’avoir permis de vivre très pauvre pour découvrir par le travail le chemin du royaume de la liberté, de l’amour dans le mariage au service de mes frères ».